Les Monstres du Ça



- Les Krell ont oublié une chose.
- Oui, quoi?
- Les monstres, John. Les monstres du Ça.

Planète Interdite, 1956

mercredi 22 avril 2015

Le Ballet Classique comme Acte Contre-Révolutionnaire

S’il y a bien un rituel présent dans le Casse-Noisette [ce ballet est une tradition aux États-Unis où il est joué chaque année dans nombre de collèges/écoles primaires], c’est celui du meurtre du roi des rats. Chaque année, des mères de la banlieue entourant South Bend se lancent avec leur véhicule dans une campagne contre les rats et ce qu’ils symbolisent. Chaque année elles engagent leurs garçons et leurs filles pour être soldats dans les guerres culturelles afin qu’ils puissent vaincre les rats des appétits et du désordre et du chaos à l’aide des armes que sont la vérité, la beauté et la grâce. Le Casse-Noisette est la version du 21ème s. de la Croisade des Enfants. p. xiii

Paul Valéry : « la danse…semble générer une euphorie particulière, évoquant n nous l’une sphère d’existence transcendante. La danseuse semble appartenir à une constellation autre que la nôtre dans laquelle elle respire une énergie sans limite. Là elle existe avec aise, une essence pure de musique et de mouvement. Elle rend nos actes ordinaires, conçus pour répondre à nos besoins courants, grossiers en comparaison de son dynamisme. » p. 4

Le ballet français exprima le Logos du mouvement humain comme personne ne l’avait fait jusque-là, et comme personne ne l’a fait depuis. p. 5

Vu que le ballet est l’art du corps humain en mouvement, et vu que le telos de l’art est la beauté, le telos du ballet est la grâce. […] La beauté peut être statique mais il n’y a pas de grâce sans mouvement. […] Au cours des siècles, le ballet classique a mis au point des techniques qui donnent l’impression de légèreté. Ces techniques sont fonction du sexe. Les hommes s’engagent dans des sauts héroïques, ou bien ils soulèvent leur partenaire pour donner l’impression qu’ils peuvent s’élever dans les airs avec la musique et transcender les lois qui gouvernent le mouvement humain normal. Dans le ballet, la légèreté triomphe sur la gravité. Les femmes de leur côté donnent l’impression de légèreté en dansant en pointe :
« La danseuse s’élève jusqu’à ce que son contact avec le sol semble disparaître ; la grâce consiste en un relevé de longue durée. David Lein, dans ‘Le Formalisme de Balanchine’, explique que la danseuse gracieuse semble suspendre son soi terrestre, semble ne pas avoir de poids, soulevée, libérée par la verticalité de ce sol horizontal, lié à la Terre. » p. 8

Le mouvement impliquant toujours un danger, on ressent un soulagement quand des mouvements compliqués sont accomplis avec succès. C’est la catharsis qui se trouve au cœur même du ballet. p. 9

Si Isadora Duncan [danseuse américaine de la fin 19ème/ début 20ème s. Autodidacte, féministe, elle se produisait régulièrement légèrement vêtue voire nue] avait lu la pièce d’Euripide ‘Les Bacchantes’, elle aurait appris que la danse dionysiaque allait affranchir les pulsions sexuelles de la loi morale et provoquer la destruction de Thèbes, mais si c’était évident à Euripide, ça n’est jamais venu à l’esprit d’Isadora Duncan. […Dans ‘Les Bacchantes’] dès que les femmes abandonnent leur métier à tisser et s’en vont danser nues dans la montagne, la cité est condamnée. p. 48

Le conflit entre le style de danse de Duncan et celui de Pawlowa [danseuse de ballet classique] tournait moins autour de l’esthétique que de la morale. Pour l’exprimer autrement, l’esthétique de Duncan trouvait sa source dans la moralité – ou son manque – de son style de vie. p. 67


Stanislavsky était pris de court car, comme il le dit lui-même, « N’étant pas habitué à voir un corps presque entièrement nu sur scène, je pouvais à peine remarquer et comprendre l’art du danseur. » Sa réaction initiale dévoile l’essence même de la danse d’Isadora Duncan, ou plutôt, sa manipulation de la danse à des fins politiques et personnelles. p. 71


Développement...

Le ballet classique est donc un acte contre-révolutionnaire. Contrairement au ballet contemporain qui en est la subversion incarnée. Je ne parlerai pas de Merce Cunnigham, il est évoqué dans le livre du Dr. Jones. Je ne parlerai pas non plus des auteurs modernes qui jouent sur la déconstruction, le symbolisme, la rupture d'avec les normes, etc... Par contre je vais dire un mot sur Angelin Preljocaj, que d'aucuns appellent le mac du ballet moderne: il met des femmes nues partout! Un peu comme ce que faisait Isadora Duncan avant l'heure. Ce qu'on veut nous vendre, c'est que le spectateur est suffisamment sophistiqué pour faire abstraction du fait que les corps sont nus et voir, à travers la nudité, l'art lui-même, la danse. Comme on le voit à la réaction de Stanislavsky dans l'extrait du dessus, c'est un mensonge blatant. Ce qu'on nous vend ce n'est pas l'art, c'est la nudité. On nous dira que si on peut apprécier la danse vêtue, on peut apprécier la danse nue! D'un, ce ne serait pas pour les mêmes raisons; deux, ce n'est tout simplement pas vrai! C'est l'inverse : si on peut apprécier la danse vêtue, pas besoin de se mettre nue pour attirer le regard et l'attention!

Le ballet classique, disais-je, est un acte contre-révolutionnaire. En tant que tel, Hollywood ne pouvait pas laisser passer ça. Ils ont donc pondu un de ces mauvais films dont ils ne sont pas les seuls à avoir le secret:

Voilà un résumé: sexe --> mort --> beauté
Je pourrais développer mais ce serait perdre mon temps.

La jeune danseuse ci-dessus est timide et réservée. Elle décroche un grand rôle mais est mal dans la peau de son personnage. Que lui conseille le chorégraphe? "J'ai une mission pour toi. Rentre chez toi et touche-toi [sexuellement]."

Si seulement il y avait quelque chose quand on est acteur comme, oh, je ne sais pas moi...jouer?!

Bref, on a besoin de ballet classique, comme par exemple Coppelia (avec Natalia Osipova, à couper le souffle) ou le Corsaire, ou que sais-je encore, mais on n'a pas besoin d'Hollywood,