La disparition de
l’entéléchie, c’est-à-dire une substance douée d’une finalité, conduisit à
l’avènement de la force comme l’élément central de l’univers des Whigs, univers
que Newton créa avec la publication des Principia.
[…] Dans
l’univers de Newton, les corps n’ont pas de telos
car ils n’ont pas de substance autre qu’une extension descriptible
mathématiquement. Par conséquent tout mouvement résulte de l’application d’une
force externe, force attribuable en fin de compte à une volonté arbitraire.
Le changement que Newton apporta au concept de mouvement en faisant de la
force le pilier de sa physique eu des conséquences profondes en politique et en
économie. Une fois l’inertie devenue le principe fondamental de l’univers, la
lutte deviendrait un motif central de toutes les expressions de l’idéologie
anglaise basées sur la physique newtonienne. Selon la lecture faite par Adam
Smith du travail de Newton, l’avarice – ou l’amour de soi – est un instinct
analogue à l’inertie en ce sens que chaque corps dans l’espace recherche son
bien propre sans préoccupation de tout autre corps. L’avarice, qui mènerait au
chaos, est tenue en respect par la concurrence, et le résultat d’après Smith
est le mouvement parfait, également connu sous l’appellation « main
invisible » qui s’assure que les vices privés soient transformés de
manière magique (ou alchimique) en bien public.
La théorie de l’évolution de Charles
Darwin est un autre exemple de l’idéologie anglaise dérivée de Newton, qui elle
aussi prétend que la lutte – ou, comme Darwin dirait, la compétition pour des
ressources limitées menant à la sélection naturelle – est le principe
fondamental de l’univers. Comme Newton, Darwin « n’élabore pas
d’hypothèse. » Il jette un œil à la nature et découvre que la
« lutte » est sa loi fondamentale. p. 473à475
Le dénominateur
commun des différentes projections de l’idéologie anglaise que partagent
Newton, Smith, Malthus et Darwin, est le capitalisme, la version économique de
la lutte, qui est le principe fondamental de l’univers. p. 479
Dans son ouvrage
brillant, More Heat Than Light, le
professeur Mirowski a montré de manière convaincante que l’économie est en
réalité de la mauvaise physique, et que la science économique trouve son
origine chez Newton, ou du moins son système qui a cessé de se développer
autour de 1850 :
« Les mathématiques employées par les spécialistes de la science
sociale et la physique mathématique qu’ils utilisaient dans leur modèle étaient
celles de 1850… Leurs théories quantitatives sont traitées avec le même respect
que celui avec lequel les physiciens d’un âge révolu traitaient les concepts de
la physique newtonienne. » p. 480
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