L’ouvrage Volkswirtschaft [économie nationale] de Friedrich List était au libre-échange de Smith ce que l’a priori
synthétique de Kant était à l’empirisme de Hume. Il libéra les esprits d’une
nation telle que les États-Unis ou la fédération allemande, qui avaient été
assujetties au dogme du libre-échange… Avec son économie nationale, List invalida les dogmes fondamentaux du
système classique, aussi bien que les soubassements métaphysiques qui le
portaient. List montra avec succès que les intérêts économiques de l’individu
et ceux de l’état ne coïncidaient pas forcément. Lorsque List écrivit
qu’ « un individu, en promouvant son propre intérêt, peut faire
dommage à l’intérêt public ; une nation, en promouvant le bien de tous,
peut faire obstacle aux intérêts de certains de ses membres, » il enfonça
le dernier clou dans le cercueil qui renfermait la ‘main invisible.’ p. 921-922
L’accomplissement
intellectuel de List fut de réfuter l’idée qu’une science de l’économie puisse
fournir des solutions qui conviennent à tous les problèmes, de la même manière
que la physique newtonienne pouvait décrire la trajectoire de n’importe quel
objet en mouvement. p. 923
Où les anglais
gouvernaient, le marché prenait la priorité sur les besoins humains en temps de
famine. Comme le montre [Amartya] Sen, ce n’était pas seulement le cas en
Irlande dans les années 1840 lorsque « le fait que d’immenses quantités de
nourriture furent exportées d’Irlande vers l’Angleterre tout au long de la
période alors que les Irlandais mourraient de faim » engendra de la colère
et « dégrada les relations entre les deux pays. » La même priorité
donnée au marché par rapport aux besoins d’une population connaissant la famine
exista en Chine, « où le refus britannique d’interdire l’exportation de
riz fut l’une des causes d’un soulèvement en 1906. » Le même refus amena les
« fameuses révoltes de Changsha en 1910, » et à la famine de masse du
Bangladesh en 1974. p. 981
…Nassau Senior
qui déclara que la famine « ne tuerait pas plus d’un million de personnes,
et que ça serait à peine suffisant pour être d’aucun bénéfice. » p. 984
En 1904 et 1905,
le sociologue allemand Max Weber écrivit deux articles sur l’origine du
capitalisme, qui furent publiés après sa mort en 1920, sous le titre L’éthique protestante et l’esprit du
capitalisme. Le cœur de la thèse de Weber est l’idée que le capitalisme fut
créé par des protestants pieux au 17ème s. […] Fanfani vit une
corrélation pas tant entre le capitalisme et le protestantisme vertueux
qu’entre le capitalisme et « une forme régressive et virtuellement
dégénérée de catholicisme, » et sa démolition de la thèse de Weber
rajeunît la pensée catholique pour une génération entière… « La
solution de Weber est inadmissible…car il n’admet pas qu’un esprit capitaliste
existât avant l’idée protestante de vocation. »
[…] La véritable
origine du capitalisme n’était pas l’Angleterre du 17ème s. mais
l’Italie des 14ème et 15ème s…Ce ne furent pas les
puritains pieux qui nous donnèrent le capitalisme ; ce furent des
catholiques décadents.
[…] L’activité économique, pour être bénéfique à
l’économie tout entière, doit être sujette à la loi morale. p. 1266à1270http://www.culturewars.com